Bilan du suivi de la biodiversité réalisé sur Kululu Forest en 2021 et 2022

Les équipes de l’ADAP du projet Rungwa Corridor sous la supervision du Land and Natural Officer, Mr. Matana Levi, et l’étudiant en Master de HEPIA Raimundo Pizarro (TAWIRI / COSTECH N°2021-456-NA-2021-143), ont réalisé deux campagnes annuelles de suivi systématique par pièges photographiques dans les forêts de Kululu en 2021 et 2022. Le suivi, réalisé en partenariat avec la WCS visait à établir une ligne de référence sur la faune de cet espace, afin notamment de pouvoir mesurer les évolutions futures. Nous présentons ci-après les principales conclusions de ce suivi.

Contexte

La réserve de Kululu est pour ainsi dire non gérée depuis plusieurs années, la société de chasse qui exploitait le bloc a cessé ces activités depuis 5 ans, et en l’absence d’un système de gestion communautaire établi, la zone peut être caractérisée de zone d’accès libre en ce sens qu’il n’y a pas d’activités de gestion conduites pour limiter les usages illégaux. Dans un tel contexte, et au vu de la forte pression humaine, notamment pastorale, nous nous attendions à une communauté de moyens et grands mammifères déjà fortement impactée et en déclin. D’un point de vue écologique, elle représente l’un des deux derniers corridors étroits connectant les écosystèmes de l’ouest de la Tanzanie à l’ensemble Ruaha – Rungwa situé au centre du pays.

Diversité spécifique

A notre grande surprise, les suivis ont révelé une forte résilience de la faune de grands et moyens mammifères, avec 55 espèces détectées sur les deux années de suivi, dont 9 espèces inscrites sur la liste rouge de l’IUCN. Il s’agit d’une des zones les plus riches en diversité échantillonnée par l’ADAP.

Afrotheriens : Le groupe est représenté par trois espèces, l’éléphant, l’oryctérope et la musaraigne éléphant. Seule espèce à fort enjeu de conservation de ce groupe, l’éléphant. Le suivi a confirmé la persistance de l’utilisation du corridor par les éléphants dans leur dispersion saisonnière vers l’ouest, ce qui est convergent avec les observations réalisées par la WCS.

Carnivores : Les espèces de grands carnivores ont également été détectées, le lion parait être au seuil de l’extinction locale (deux détections en 2021, pas de détection en 2022), alors que les lycaons, malgré la pression humaine, paraissent encore être résidents de la zone puisqu’ils ont été détectés les deux années. La situation de la hyène et du léopard est moins préoccupante, mais parait également souffrir de la forte pression du pastoralisme, particulièrement pour la hyène dont le nombre d’évènements de capture indépendant a diminué quasiment de moitié entre 2021 et 2022. Les espèces de moyens et petits carnivores sont bien présentes et paraissent encore peu impactées par la forte présence humaine. Petite particularité, le caracal a été détecté les deux années, alors qu’il n’a pas été détecté dans les suivis réalisés plus à l’Ouest.

Herbivores : Au niveau des espèces à large masse corporelle, la situation du buffle et de l’hippopotame parait préoccupante, avec un nombre restreint de captures reflétant des populations en forte contraction. La situation de la girafe paraît meilleure, de même que celle de la plupart des espèces de grandes antilopes qui sont encore bien présentes, particulièrement le Sable et la roanne, le bubale, le grand koudou et dans une moindre mesure l’élan et le topi. Les antilopes de moyenne taille, particulièrement les espèces à mâles territoriaux comme le waterbuck ou l’impala, ont été moins détectées que l’on aurait pu s’y attendre en raison de l’habitat. Elles paraissent en contraction sous la pression du pastoralisme et de la chasse illégale.

Les suidés sont bien représentés avec un nombre élevé de détections tant du phacochère que du potamochère.

Enfin le zèbre se maintient également bien dans le paysage.

Primates : Seules deux espèces ont été détectées, le babouin et le singe vert, dont la situation ne paraît pas préoccupante. Parmi les prosimiens, le petit et le grand galago ont été détectés.

Oiseaux : La détection à plusieurs reprises d’individus mâles et femelles d’autruches sur les deux années suivies a également représenté une certaine surprise. Il semble y avoir une population viable, malgré le degré de pression humaine.

Facteurs affectant la distribution et l’occupancy des espèces

Les modélisations effectuées nous ont confirmé que la présence humaine, et notamment de troupeaux de bétail, est l’un des principaux facteurs expliquant les variations en termes de distribution et d’occupancy des espèces. Si pour certaines espèces comme le grand koudou, la présence demeure strictement liées à des facteurs écologiques (habitat, présence d’eau), pour la plupart des espèces c’est le dérangement humain qui paraît être le déterminant principal.

Conclusion

Le corridor que constitue Kululu Forest paraît demeurer fonctionnel pour la plupart des espèces et particulièrement pour les éléphants. L’état des populations de faune sauvage est cependant préocuppant pour plusieurs espèces, notamment en raison de la très forte présence pastorale et également d’une importante activité de chasse illégale, qui a été documentée pendant les suivis. Il paraît primordial de finaliser le processus visant à classer le site en Participatory Forest Management (PFM) afin de pouvoir initier les actions de surveillance nécessaire à une meilleure protection de ce territoire de conservation. Les Village Game Scouts ont en effet été recrutés, formés et équipés grâce au soutien des projets ADAP et WCS et sont prêts à travailler. Ils n’attendent que la légalisation du processus de PFM pour être autorisés à opérer.

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